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Chronique : La Grande Traversée

Un roman magnifique de beauté et de simplicité dans le plus pur esprit de la littérature japonaise

Paru en février 2019 aux éditions Actes Sud, La Grande Traversée est pour le moment le seul roman de Shion Miura sorti en France.
Il est tout indiqué à celles et ceux qui ont aimé l’apaisement procuré par des romans tels que La papeterie Tsubaki ou Le restaurant de l’amour retrouvé. Une merveille nippone apaisante et emplie de beauté…

L’élaboration du dictionnaire ultime de japonais

Cela peut sembler étrange ou décalé, mais le but du héros de cette histoire est de créer le dictionnaire de japonais de référence. Le nom de ce gigantesque projet ? La grande traversée. Le roman débute quand Majimé, qui travaille comme simple employé de bureau dans une maison d’édition, est envoyé dans le service poussiéreux des dictionnaires. Et ce changement de service va bouleverser sa vie et la forger de la plus merveilleuse des façons…
La grande traversée nous offre l’histoire de la vie de Majimé dont toute la carrière va se bâtir autour de l’élaboration du dictionnaire parfait.

Un roman magnifique de beauté et de simplicité dans le plus pur esprit de la littérature japonaise

Cela peut sembler étonnant d’aimer un livre qui va parler pendant presque trois-cent pages de vocabulaire et de subtilités de la langue nippone et pourtant… ça fonctionne à merveille.

Pas besoin de parler japonais ou d’être passionné par le domaine des langues pour apprécier à sa juste valeur ce roman.

« Les étagères remplies de livres jusqu’au plafond que tu as mises dans toutes les chambres renforcent la maison. Elles nous protégeront en cas de tremblement de terre. »

L’histoire de Majimé et de la fameuse grande traversée en parallèle est passionnante. C’est un jeune homme doux que l’on voit peu à peu évoluer en même temps que son titanesque projet… Ainsi suit-on sa vie professionnelle, mais également personnelle et cela sur plusieurs dizaines d’années.
Pour ceux et celles qui apprécient les romans apaisants et doux, c’est le livre idéal, d’autant qu’il est beaucoup moins connu que ceux d’Ito Ogawa, et c’est dommage.

« La fabrication d’un dictionnaire coûtait très cher, mais c’était pour la maison qui le publiait à la fois un de ses plus beaux fleurons et un élément de son patrimoine. On disait dans la profession qu’un bon dictionnaire, qui saurait s’attirer la confiance et sa fidélité, garantissait vingt ans de stabilité à son éditeur. »

Plongez avec délice et curiosité dans les arcanes de l’édition et c’est l’occasion de découvrir à quel point la création d’un dictionnaire est un processus à part dans le domaine. C’est passionnant, et voir Majimé s’escrimer à trouver la meilleure définition pour le moindre petit mot est très attendrissant…

Pour moi La grande traversée restera un roman marquant et rare. Une lecture emplie de grâce qui enveloppe son lecteur de toute la douceur du monde. Je vous le conseille vivement, il vous mettra du baume au cœur… et ce genre d’ouvrages est assez rare pour ne pas passer à côté.

Chronique : La papeterie Tsubaki – Tome 2 – La république du bonheur

Un livre qui nous transporte dans une bulle de douceur et de beauté ou l’amour et le partage sont essentiels. Mémorable et touchant comme savent l’être de façon unique les romans de Ito Ogawa.

La république du bonheur fait partie d’ores et déjà des futurs succès de la rentrée littéraire 2020. L’ouvrage est la suite directe de La papeterie Tsubaki, paru il y a deux ans en France.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore Ito Ogawa, elle est l’autrice du Restaurant de l’amour retrouvé (son plus grand succès, adapté au cinéma au Japon), Le Jardin arc-en-ciel ou encore Le ruban. Tous sont édités chez Picquier.

Retour à la simplicité merveilleuse de Kamakura

L’histoire reprend presque où nous l’avions laissée, et nous retrouvons avec un plaisir sans bornes Hatoko et sa petite papeterie. Mais surtout, on découvre de nouvelles tranches de vie grâce à son passionnant et délicat métier d’écrivain public…

Et d’un point de vue personnel, Hatoko vient tout juste de convoler en noces avec Mitsurô, elle est désormais la belle-mère de la jeune PQ.

En somme, le quotidien est doux, et Hatoko va tout faire pour que développer ce bonheur naissant par de nombreux actes d’amour envers ceux qui lui sont chers.

De l’amour et beaucoup de nourriture

C’est un peu comme cela que l’on peu résumer La république du bonheur. Dès qu’il y a quelque chose qui ne va pas, ou qu’il y a un événement à fêter, la nourriture fait office de réconfort. Et rien qu’à le lire, ça fonctionne.

Thé vert, bento, pain-qui-sourit, prunes sèches, curry, gâteaux Kurumikko aux noix, sablés-pigeons, crabe tsugani, anguille, pulpe de soja sautée, haricots écarlates mijotés au miel, confit d’algue kombu… C’est sans fin ! Mais c’est un régal pour l’imagination que de lire tous ces plats mangés ou rêvés par notre narratrice Hatoko.

Je dois avouer avoir encore plus aimé ce second tome que le premier. Plus beau, plus doux, placé résolument sous le signe de la félicité, ce roman est un véritable cadeau. Autant La Papeterie Tsubaki était assez nouveau dans son genre, autant ici il n’y a pas de surprise… Mais justement, cet univers si calme et doux m’avait énormément manqué. Et le retrouver avec encore plus de puissance évocatrice m’a fait très plaisir.

Quand on lit l’un de deux romans de ce cycle, c’est une véritable parenthèse de bonheur qui s’ouvre à nous.

Et comme toujours, on en apprend plus sur la symbolique de chaque type de papier, stylo (bic ou plume), encre en fonction de l’événement… etc. Le détail va jusqu’au choix du timbre qui peut également apporter sa part de signification entre les lignes…

Ce second roman est aussi l’occasion de découvrir une Hatoko plus intime. Maintenant qu’elle a une famille, sa vie en est toute chamboulée. Mais tous ces changements sont pour le mieux, et on la voit devenir peu à peu une véritable mère pour PQ, sa belle-fille adorable et vive. Cet amour filial qui se développe au fil des pages est beau à voir. De même que les nombreuses interrogations qu’elle se pose sur sa légitimité en tant que mère pour PQ.

Enfin, c’est un réel plaisir que de retrouver les lettres écrites par Hatoko pour ses clients en langue originale. Les calligraphies sont superbes, même si comme moi on ne comprend pas un mot de japonais. Elles sont réalisées avec talent par Mitsui Tadahiro et ajoutent un charme magique indéniable au roman.

C’est donc une nouvelle pépite littéraire que nous offre Ito Ogawa. Merci à elle pour ces quelques heures de plénitude qui rend cette lecture inoubliable. Magique, tendre, unique… c’est le retour du livre-doudou !

Chronique : La fille de la supérette

Coup de cœur pour ce roman nippon charmant et atypique.

Premier roman de Sayaka Murata à paraître en France, La fille de la supérette est un roman court, mais charmant qui vient tout juste de paraitre aux éditions Folio. Il était auparavant sorti aux éditions Denoël sous le titre Konbini (nom des petits supermarchés ouverts 24h/24 et 7j/7 au Japon).

Une jeune femme en décalage profond avec la société

Keiko est employée dans le même konbini depuis 18 ans, et elle ne se voit changer de travail pour rien au monde. Mais sa famille et ses proches ne sont pas du tout du même avis… Là où tous ceux et celles de son âge ont trouvé mari ou femme et ont même des enfants, Keiko stagne dans l’univers rassurant et lumineux du konbini. La pression de son entourage peut-elle la faire changer pour qu’elle s’accomplisse enfin aux yeux des autres ?

Aussi beau que très mélancolique

J’ai beaucoup aimé ce roman atypique et pas nécessairement évident à proposer. Tout d’abord parce qu’il parle du Japon et des strates et codes complexes de cette société, mais pas seulement. En effet, Keiko est totalement inadaptée socialement, c’est peut-être pour cela d’ailleurs – paradoxalement – qu’elle est l’une des meilleures employée du magasin. Elle n’a jamais d’avis propre, mais agit constamment par mimétisme. Elle copie le ton de son patron ou de sa collègue, s’insurge quand ils le font, s’agace quand ils le sont… Mais jamais elle n’initie un comportement. De même, elle a apprit par cœur le manuel de l’employé du konbini et se considère comme un simple rouage plus que comme un individu à part entière… Elle a tellement peur que son « imposture » soit découverte qu’elle va jusqu’à regarder dans les casiers la marque des vêtements de ses collègues afin d’en acheter des similaires. Tout cela, encore une fois pour mieux rentrer dans le fameux moule.

« Mon organisme ainsi alimenté par les denrées de la supérette, il me semble faire partie des meubles, au même titre que les étagères de produits ou la machine à café ».

Couverture de la première version de La fille de la supérette paru sous le titre Konbini chez Denoël.

Keiko n’a jamais eu de petit ami, et cela pose problème à sa famille, qui craint de la voir finir vieille fille, sans descendance… Comme si c’était le pire scénario possible pour eux. Et c’est bien le cas, mais pour Keiko, cette situation est parfaite, elle ne demande rien à personne et veut continuer à être heureuse dans son petit konbini et son minuscule studio. Et c’est là que l’on découvre peu à peu jusqu’où Keiko est prête à aller pour qu’on la laisse tranquille…
C’est à la fois courageux et triste (vous découvrirez par vous-même), mais il faut se rendre compte de la pression qu’elle subit : tous les jours ou presque elle a des remarques sur son travail à temps partiel, son absence de mari ou d’enfants dans sa vie. Cela doit être pesant, surtout quand on s’aperçoit que cela rend sa famille très malheureuse… sa sœur va jusqu’à pleurer quand elle se rend compte que Keiko semble sans espoir à ce sujet.

Plus qu’un roman, La fille de la supérette est pour moi une critique de la société (et pas uniquement nippone) qui nous impose ses carcans. Quand une femme a passé la trentaine et qu’elle n’est pas en couple, c’est forcément qu’il y a un problème. Non. Cela peut être un souhait même si il n’est pas majoritaire dans notre société. Quelle que soit l’époque, cela a d’ailleurs toujours été mal vu…
Pour moi, c’est un roman sur la résilience, la différence et le fait de l’assumer, ou non.

A la fois tendre, touchant et très mélancolique (comme les japonais savent faire), ce roman atypique vous touchera en plein cœur. Je l’avoue, j’aurais moi aussi voulu rester plus longtemps dans l’ambiance chaleureuse et bruyante du petit konbini de Keiko… C’était un peu trop court, mais tout a été dit dedans, il ne servait à rien de rallonger l’histoire.
Je vous conseille donc avec plaisir cet ouvrage atypique et attachant, comme l’est le personnage décalé de Sayaka Murata (qui elle aussi a travaillé longtemps dans un konbini !).

Chronique : Ohan

L’histoire tragique d’un homme dont l’indécision a dévoré la vie…

Considéré comme le chef d’œuvre absolu de l’auteure japonaise Uno Chiyo, Ohan est devenu un classique. L’ouvrage fait à peine 120 pages, mais elle a mis une dizaine d’années à l’écrire ! Chaque mot y est réfléchit, pensé, pesé.

L’un de ses ouvrages avait déjà été publié en France : Confession amoureuse, toujours disponible aux éditions Denoël.

Un homme qui navigue de plaisirs en plaisirs…

Le « héros » de cette histoire est un homme qui toujours est guidé par con plaisir et son insouciance. Partagé entre Ohan et Okayo, l’une étant sa femme, et l’autre sa maitresse, notre narrateur n’a jamais su se décider, ce qui l’oblige à se mettre dans des situations invivables.

Il laisse toujours la force des choses prendre les décisions à sa place… mais un jour, peut-être regrettera-t-il son éternel tiraillement…

Un roman diffus, qui nous fait découvrir le Japon des années vingt

Après lecture, je n’arrive pas à vous dire si j’ai aimé ou non Ohan. Je sais que le personnage principal m’a agacée au plus haut point par ses actes (ou plutôt son manque d’actes !). Il se moque de tout et de tous, n’a aucune idée des conséquences et reste le plus possible en retrait tout en ne pensant qu’à lui.

On se dit que la vie de cet homme ne sert à rien, qu’il est inutile à la société sinon rendre son entourage malheureux… et on ne sait pas à quel point !

La fin du roman est quant à elle mémorable, que l’on aime ou non l’histoire qui nous est contée. J’ai trouvé cela d’une tristesse infinie. J’aurais tellement voulu que le narrateur change sa façon d’être. Jusqu’au bout, on a envie de se persuader que le pire n’arrivera pas…

J’ai apprécié découvrir le Japon d’antan avec ses ruelles, ses petites maisons, ses commerces, ses filles de joies… L’ambiance retranscrite tout au long du roman nous plonge aisément dans l’époque.

……

En somme, Ohan est un roman atypique, très littéraire, et bien qu’il ait été écrit il y a soixante ans, son histoire reste tout aussi réaliste et poignante. Son rythme est assez lent, mais on lit avant tout cette histoire pour découvrir autrement le Japon et ses classiques.

Ohan fut pour moi une découverte littéraire intéressante mais pas décisive. Je ne suis pas certaine du ressenti que m’a laissé ce livre hormis un sentiment diffus de tristesse et d’agacement mêlés. Sa conclusion cependant reste absolument inoubliable : belle et triste, comme les japonais en ont le secret…

Ma rentrée littéraire 2018 – Partie 1/2

Tous les ans, les libraires reçoivent des palettes de romans qui sortent tous à la même date, c’est la fameuse rentrée littéraire. Un phénomène bien français aussi fascinant que… très frustrant ! Impossible de lire les 567 romans de la rentrée, voici donc mon avis sur les 1,76% de romans de la rentrée que j’ai pu lire…

La femme de Dieu – Judith Sibony – Stock

La présentation faite pour La femme de Dieu était engageante. L’histoire d’un homme qui a une – énième – amante, sa femme a l’air de tout ignorer, tout comme leur fille unique… mais cette amante risque de briser l’équilibre fragile de la famille. Lui est un auteur de pièces de théâtre de renom, son amante elle, sort de nulle part… Et elle veut une seule chose de son amant : un enfant qu’elle chérira. Pourquoi ? Nul ne le sait, pas même elle, dont le besoin d’enfant issu des gènes de son amant est le but ultime… Et tous les moyens sont bons pour elle afin de parvenir à ses fins… y compris les plus tordus.

Pour être honnête je m’attendais à un roman original, mais pas retors. Et pourtant, La femme de Dieu est un livre qui m’a dérangée. Il n’a pas de véritable but selon moi, ne nous raconte rien, et il est rempli de lieux communs et de stéréotypes… Et surtout, je l’ai trouvé assez malsain. Quand on découvre jusqu’à quelles extrémités est prête cette femme pour avoir un enfant, c’est perturbant… Et puis, les ficelles tirées par l’auteure sont parfois un peu grosses…

En somme, la femme de Dieu fut un roman sur lequel je misais quelques espoirs, mais qui ont rapidement été soufflés.

Vivre ensemble – Émilie Frèche – Stock

Avant de vous faire lire la chronique de l’ouvrage, je tiens à préciser que j’ai lu et apprécié ce roman AVANT de connaître toute la polémique qu’il y a autour. D’ailleurs, suite au scandale suscité par la parution du roman, les éditions Stock ont du insérer un encart dans l’ouvrage afin de calmer les esprits. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur l’affaire en question, je vous laisse lire ces quelques liens :

Je vais donc uniquement parler du livre et de son intrigue, et pas du scandale qui s’y rapporte.

Vivre ensemble, c’est l’histoire d’un couple qui s’aime passionnément, et qui décide d’emménager ensemble suite aux attentats du 13 novembre. Cette attaque en plein Paris a pour eux été une véritable claque qui leur a fait prendre conscience qu’il fallait profiter de l’instant présent. Déborah a eu un fils d’un précédent mariage, Léo. Pierre a également eu un fils d’une union précédente : Salomon. C’est donc à quatre qu’ils vivent, dans un appartement de Paris. Et très vite, on sent venir des tensions au sein de la famille recomposée…

D’ailleurs, la scène d’ouverture donne tout de suite le ton : on y découvre Salomon tenant un couteau de cuisine et menaçant tout le monde car il a été contrarié par une petite phrase…

Mais là où Emilie Frèche surprend, c’est dans le déroulement de son roman, on sent qu’un drame se prépare, mais impossible de deviner sous quelle forme… Ainsi, Vivre ensemble est un roman sous tension, que l’on pourrait presque assimiler à un thriller domestique.

Efficace, redoutable. C’est assurément une des belles surprises de cette rentrée, mais il faut mettre de côté la polémique qui l’entoure pour l’apprécier.

La papeterie Tsubaki – Ito Ogawa – Editions Picquier

Ce roman fabuleux de tendresse signe le grand retour d’Ito Ogawa. A placer au même niveau que Le restaurant de l’amour retrouvé (qui était une merveille), ce roman nous fait découvrir le métier désuet et passionnant d’écrivain public au Japon.

On y suit Poppo, une jeune femme d’à peine 25 ans qui vient de perdre « l’Ainée » comme elle l’appelle tendrement. C’était sa grand-mère, et maintenant qu’elle est partie, Poppo décide de reprendre la papeterie familiale. Elle y vend quantité d’articles, mais exerce également le métier plus confidentiel d’écrivain public. Si vous cherchez quelqu’un qui pourra vous rédiger une lettre pour écrire à une ancienne amante, ou que vous souhaitez refuser une demande d’emprunt tout en restant poli, ou encore imiter l’écriture d’un parent décédé pour réconforter celui qui vit encore, vous êtes à la bonne porte.

Tout y est décrit avec précision, chaque geste, chaque encre, chaque type de stylo/plume/crayon utilisé est décrit, de même pour le papier. Il y a une énorme charge symbolique dans chaque choix fait pour écrire une lettre, même le timbre a son importance… Tout cela sans oublier la quantité de formules rituelles différentes pour chaque situation.

L’esprit du Japon transparaît à merveille dans ce roman, c’est tout simplement un roman-doudou. On se sent bien entre ses pages, on savoure chaque histoire humaine qui va nous faire un nouveau talent de Poppo… C’est un petit bijou de délicatesse, et il ne faut donc pas vous en priver ! Un des plus beaux/doux romans de la rentrée….

« Le timbre devait être humecté avec des larmes de chagrin pour une lettre triste, et avec des larmes de joies pour une lettre gaie« .

PS : Pour ceux qui savent lire le japonais, vous trouverez chaque lettre écrite par Poppo à l’intérieur du roman.

PS** : Un second tome avec la même narratrice est prévu pour la rentrée littéraire de 2020, le titre sera La république du bonheur.

Les voyages de sable – Jean-Paul Delfino – Le Passage

Si je vous dit que ce roman raconte l’histoire d’un homme dont la vie commence à Marseille il y a 250 ans… jusqu’à maintenant ? Me croirez-vous ? Voici le récit de Jaume, un homme qui est dans l’incapacité totale de mourir… lui-même ignore comment une telle chose est possible, mais cela fait plus de deux siècle qu’il vit malgré lui. Il a tout vécu, tout connu, baroudé par delà le monde, rencontré l’amour, été trahi, assassiné, battu, exclu… il a également eu ses moments de gloire.

Tout cela, Jaume décide de le raconter au tenancier d’un petit bar, situé Rue Saint-André des Arts, un homme nommé Virgile. Depuis des années que Jaume fréquente le bistrot, il n’a jamais lâché qu’un ou deux mots. Mais ce soir, dans l’hiver froid de Paris, il décide de raconter son incroyable histoire…

Si vous rêvez de voyage, d’aventure et de passion, vous êtes au bon endroit. Les voyages de sable est une histoire à la Highlander (pour le côté narrateur immortel) qui nous transporte. C’est empli de poésie, d’amour, de beauté… On passe de l’Afrique à l’Amérique du Sud sans oublier l’Europe… c’est un merveilleux tour du monde et une fresque historique qui a tout pour transporter.

Anatomie de l’amant de ma femme – Raphaël Rupert – L’Arbre Vengeur

Si il y a bien un roman de la rentrée auquel je n’ai pas compris grand chose (notamment la fin !), c’est bien celui-là ! Le début était pourtant aussi drôle qu’attrayant : un homme découvre dans l’un des nombreux journaux intimes de sa femme qu’elle a un amant.

Dans tous ses carnets, il n’est mentionné qu’une seule fois ! Mais qui est-il ? Et qu’à-t-il de plus que lui exactement ? Est-la la longueur de ses attributs ? La largeur ? Autre chose ? Cet homme essaye de comprendre ce qui attire sa femme chez cet amant et en fait une véritable fixation. Tantôt drôle, tantôt tragique, c’est un roman assez inclassable… Au final, malgré un début très drôle, je n’ai pas réussi à m’approprier ce roman. Et surtout, les dernières pages sont tellement barrées que je n’ai pas bien compris si le narrateur était dans un rêve ou dans la réalité…

Chronique : Les sœurs Hiroshima

Un roman magnifique et très percutant nous retraçant la terrible réalité qu’a subi la ville d’Hiroshima le 6 août 1945. Un véritable classique au Japon à découvrir enfin en France. Inspiré du récit d’une survivante de la tragédie…

Mariko Yamamoto est une auteure japonaise. Son roman, Les sœurs Hiroshima est un véritable classique au Japon, le voici enfin en France, publié aux éditions Bayard en septembre 2017.

L’histoire d’une tragédie que personne ne doit jamais oublier

Voici le début d’une nouvelle journée, nous sommes au Japon, dans les environs de la ville d’Hiroshima. Nous découvrons deux sœurs qui vivent en très bonne entente. Toujours à s’entraider, à faire de sprojets sur la comète où elles rêvent d’ouvrir une petite entreprise ensemble… pourquoi pas un restaurant ? Ou autre chose ? Akiko et sa grande sœur (nous n’aurons jamais son prénom) sont inséparables… jusqu’à l’explosion.

Leur petit village soufflé. Des maisons effondrées, des villageois blessés ou morts… Voici le récit de la lutte pour la survie écrit du point de vue d’Akiko.

Ne jamais oublier

Le roman a beau avoir été écrit par Mariko Yamamoto, ce roman est issu d’un entretien qu’elle a eu avec la vraie Akiko. Cette survivante de la bombe H a témoigné auprès de l’auteure, mais a refusé pendant de très nombreuses années de voir son récit publié. Ce qui l’a fait changer d’avis ? Le devoir de mémoire. Akiko a décidé qu’il fallait que son histoire et celle de sa sœur (et de toutes les victimes) soit connu pour qu’une telle horreur ne se reproduise jamais.

Très pudique et intimiste, on navigue entre les souvenirs d’enfance heureuse des deux sœurs et leur présent aux allures d’apocalypse. Au début, on est perdu, comme elles. On ne comprend pas immédiatement que c’est la bombe qui a frappé, la description faite par Akiko étant très floue. Elle est totalement déstabilisée et perdue… comme nous en la lisant.

Plus qu’un roman, c’est donc un récit et un témoignage que l’on découvre ici. Une fois que l’on sait cela (grâce à l’introduction), tout est exacerbé : l’injustice, la souffrance, la peur… Seul bémol quant à cette introduction, elle nous raconte comment se termine l’histoire. On aurait pu se passer de cette information et avoir une suite d’analyse de l’œuvre dans un épilogue…

….

Terrible et touchant à la fois, Les sœurs Hiroshima est donc un très beau roman. Il est en effet nécessaire et devrait être lu par tous, en tout cas c’est le souhait d’Akiko. La réalité des choses est parfois difficile, mais il vaut mieux la connaître que l’occulter.

A découvrir dès l’âge de 13 ans minimum.

Chronique : Pauvre chose

Un roman frais et original qui nous vient tout droit du Japon ! Au programme, une histoire d’amour au développement des plus hasardeux…

Quatrième roman de Wataya Risa à paraître en France, Pauvre chose vient tout juste de paraître en août 2017 au format poche chez Picquier.

Wataya Risa est une jeune auteure. Née en 1984, elle a déjà reçu certaines des plus prestigieuses récompenses nippones : le Prix Akutagawa – équivalant au Goncourt chez nous – pour Appel du pied,  (Picquier) qu’elle a écrit à l’âge de 17 ans ! Elle a également reçu Prix Kenzaburô Oe pour Pauvre chose.

L’amour au beau fixe… en apparence

Tout semble aller pour Julie, une jeune japonaise en couple depuis de nombreux mois. Mais, depuis quelque temps des nuages s’amoncellent à l’horizon. A cause de nombreux problèmes personnels, don copain héberge son ex petite copine, Akiyo ! Pour Julie, c’est très difficile à supporter. Ils ne peuvent jamais se voir seuls à seuls chez lui, et lui-même refuse de dormir chez Julie car il a peur qu’Akiyo s’ennuie ferme ou déprime…

En somme, leur vie de couple est au point mort, et le déménagement n’est également pas une option… Bref, c’est la déprime pour Julie qui ne comprend pas un tel dévouement de la part de con copain, même si Akiyo est dans une mauvaise passe.

Julie tiendra-t-elle face à autant d’obstacles à une vie de couple simple, sereine, et normale ? Akiyo est-elle vraiment la pauvre chose qu’on semble lui décrire ?

Divertissant et original dans son traitement

Comme toujours avec les romans japonais, j’arrive à être surprise. Ils ont une façon de conter les histoires, de les développer qui est totalement différente de la notre. Et c’est génial, car on est très souvent surpris par les conclusions de leurs romans ! Et Pauvre chose ne fait absolument pas exception.

En suivant Julie et ses nombreux cheminements, on découvre une jeune femme qui aime son travail de vendeuse textile, mais qui a besoin de changement. Tout comme son couple, il lui convient, mais il pourrait se porter beaucoup mieux.

Peu à peu, Julie veut marquer son territoire de « petite copine légitime » vis-à-vis d’Akiyo… mais cette femme négligée et un peu simple est-elle une concurrente ? Ou tout simplement une pauvre petite chose dont il faut prendre soin ? Julie n’arrive pas à le savoir, et ce n’est pas son petite copain qui pourra l’aider à éclaircir la question…

Mais le meilleur, dans ce court roman qui fait la part belle aux sentiments et aux réflexions qui y sont liées, c’est la conclusion. Julie va avoir une réaction absolument géniale et inattendue.

Je l’ai trouvée forte, elle s’est totalement révélée dans les dernières pages du livre. Impossible bien sûr de vous en dire plus, mais la psychologie de chacun des personnages est finement travaillée. Mais, heureusement Julie a su se tenir à ce qu’elle voulait vraiment au fond d’elle, et c’est le plus important…

…….

Si vous cherchez un petit roman court et efficace, Pauvre chose sera donc parfait. Il traite des relations amoureuses japonaises, parfois complexes. Notre point de vue occidental peut parfois être déconcerté, mais cela n’en est que plus intéressant !

Une chose est sûre, je lirais d’autres romans de Wataya Risa car j’ai trouvé sa plume douce, légère et efficace.

Chronique : Des hommes sans femmes

Un recueil de nouvelles signé Haruki Murakami… et comme toujours, une franche réussite pour qui aime cet auteur et son univers.

Les éditions Belfond viennent de publier le tout nouvel ouvrage de Haruki Murakami il y a quelques jours à peine. L’auteur japonais est de retour avec non pas un roman, mais un recueil de nouvelles.

Le format de la nouvelle est un bon moyen de découvrir un auteur, surtout quand on sait que Haruki Murakami n’en est pas à son premier coup d’essai. Il avait précédemment écrit Saules aveugles, femme endormie, ou encore Les attaques de la boulangerie (une de mes nouvelles favorites), Sommeil (une de ses nouvelles les plus étranges…) et L’étrange bibliothèque.

Avec Des hommes sans femmes, ce regroupement de textes nous parle d’hommes très différents dont le point commun est de ne pas vivre avec une femme, bien qu’ils les côtoient tous de façon très distinctes.

Des tranches de vies touchantes et pour certaines mémorables

« Ce que je veux aborder avec ce recueil ? En un mot, l’isolement et ses conséquences émotionnelles. Des hommes sans femmes en est l’illustration concrète. C’est le titre qui m’a d’abord saisi – bien sûr, le recueil éponyme d’Hemingway n’y est pas étranger -, et les histoires ont suivi. Chacune de ces histoires est venue en résonance du titre. Pourquoi Des hommes sans femmes ? Je n’en sais rien. D’une façon ou d’une autre, ce titre s’est enraciné dans mon esprit, comme une graine déposée dans un champ par le hasard du vent. »

Cette présentation de l’ouvrage par Haruki Murakami lui-même explique parfaitement ses intentions et les façons dont s’articulent les nouvelles. Tout est dans ces quelques lignes.

Dans ce recueil, ce sont ainsi sept nouvelles très différentes qui vous attendent. Certaines étranges, d’autres d’une tristesse infinies, mais avec un cœur commun : le trou béant laissé par l’absence des femmes.

L’une de celles qui m’a le plus plu est sans conteste Shéhérazade. De cette femme qui raconte certains épisodes de sa vie à son amant, on ne sait que le peu qu’elle nous donne. Elle dit qu’elle fut une lamproie dans une vie antérieure, mais aussi que dans son adolescence, c’était une Voleuse d’amour. Ses différentes histoires ont un pouvoir fascinant sur nous lecteur, et on meurt d’envie d’en savoir plus sur cette femme étrange et son amant, qui semblent réunis par un mystérieux commanditaire. Le fait que le mystère plane de bout en bout dans cette nouvelle nous laisse un sentiment diffus de plaisir et d’insatisfaction mêlée, c’est juste parfait.

L’autre nouvelle qui a su me marquer est celle de ce chirurgien esthétique qui a toujours vécu entouré de nombreuses amantes : Un organe indépendant. Son histoire est belle, triste, et d’une simplicité rare. C’est percutant et d’une mélancolie inouïe, comme seuls les japonais en ont le secret…

….

Chaque histoire courte est ainsi une incursion dans le cœur des hommes, si dépendants et amoureux des femmes (certains l’ignoreront toute leur vie dans certaines de ces histoires). L’écriture de Haruki Murakami réussit encore une fois à nous captiver avec des mots simples et une ambiance si particulière. C’est une réussite, et c’est à découvrir que vous soyez ou non adepte du format de la nouvelle, tout simplement pour (re)découvrir un auteur qui n’a pas fini de fasciner et de plaire par sa sobriété et son talent.

EDITEUR :
TRANCHE d´ÂGE :

Concours : 5 exemplaires de L’hiver dernier, je me suis séparé de toi à gagner sur le site !

Les éditions Picquier et la Bibliothèque de Glow vous proposent de tenter votre chance pour remporter le polar japonais L’hiver dernier, je me suis séparé de toi qui vient tout juste de paraître ! Ce sont ainsi 5 exemplaires qui sont mis en jeu durant une semaine entière.

Résultat du jeu : BRAVO à Sandrine Fernandez, Christy Firefly, sylvie BACONNIER, DJELISAWETA  et magali

Pour avoir un indice, c’est par ici ! : Chronique de l’hiver dernier, je me suis séparé de toi.

Enfin, pour découvrir ce dont il est question dans l’ouvrage, et savoir si il vous tente, voici la présentation de l’éditeur :

Un journaliste est chargé d’écrire un livre sur un photographe accusé d’avoir immolé deux femmes, mais pourquoi l’aurait-il fait ? Pour assouvir une effroyable passion, celle de photographier leur destruction par les flammes ? A mesure que son enquête progresse, le journaliste pénètre peu à peu un monde déstabilisant où l’amour s’abîme dans les vertiges de l’obsession et de la mort. Un domaine interdit où il est dangereux, et vain, de s’aventurer…

Dans ce roman noir qui flirte avec le roman gothique pour mieux nous faire frissonner, les apparences sont toujours pires que ce qu’elles semblent, les poupées sourient étrangement et le rouge est celui du sang. Seule est certaine l’attirance pour la perdition.

Chronique : L’hiver dernier je me suis séparé de toi

Un polar bien retors et sombre, comme les japonais ont le secret…

Peut-être le nom de Fuminori Nakamura vous évoquera-t-il quelque chose ? L’auteur avait attiré mon intérêt il ya quelques années pour son roman Pickpocket. Ce sont maintenant trois ouvrages de cet auteur qui sont disponibles en France avec Revolver et son tout dernier paru en février 2017 : L’hiver dernier, je me suis séparé de toi. Ils sont tous disponibles aux éditions Philippe Picquier.

Un photographe aux goûts artistiques étranges… et mortellement dangereux

Un journaliste est chargé d’écrire un livre sur l’un des meurtriers les plus étranges du moment au Japon. Ses crimes sont si étranges et hors-norme, si malsains et inexpliqués que son profil fascine. C’est ainsi qu’il se retrouve mandaté pour écrire son histoire, ses motivations, ses pensées les plus obscures…

Mais cette plongée intime dans l’âme d’un meurtrier en quête de l’Art absolu est-elle sans danger ? Bien sûr que non… Jusqu’où peut-on fouiller dans le passé sans être soi-même influé par autant de mal ?

Un roman intimiste, sombre et étrange

Comme une grande majorité de romans policiers nippons, vous aurez droit ici à une intrigue à nulle autre pareille. Si vous recherchez quelque chose de classique ou de familier, ce n’est pas avec ce genre de roman que vous le trouverez. Non, L’hiver dernier, je me suis séparé de toi est un roman noir japonais qui va assez loin dans le genre tortueux.

Il s’agit d’une histoire de vengeance, d’esprit tourné et retourné en tout sens, d’amour aux (res)sentiments complexes et d’art où la perfection doit être atteinte, rien de moins. Le meurtrier de cette histoire est un photographe, et pour parvenir au cliché qui marquera les esprits à jamais, ce dernier est prêt à aller très loin… Trop loin.

Mais ce n’est pas le seul élément de l’intrigue qui comporte un réel intérêt. En effet, l’homme qui mène l’enquête pour écrire la biographie du meurtrier est également très intéressant. Peu à peu, on sent que son point de vue, ses pensées évoluent vers… autre chose. Quoi donc ? Impossible de vous le dire, mais les surprises sont de taille et s’enchaînent très vite en fin d’ouvrage !

D’ailleurs, si vous n’êtes pas familier des noms et prénoms d’origine japonaise, n’hésitez pas à noter qui est qui, car la fin du roman se densifie de telle façon qu’il vaut mieux reconnaitre chacun des personnages.

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Quoi qu’il en soit, l’intrigue est passionnante, les révélations fascinantes et menées avec art. Même pour les plus férus de littérature policière, impossible de deviner le fin mot de l’histoire ! Mais tout se tient parfaitement du début à la fin… c’est un régal.

L’écriture de Fumonori Nakamura participe à ce sentiment d’accomplissement. Les chapitres sont très courts, le ton est factuel, efficace, presque clinique. Tout concoure à nous offrir un roman policier original et inclassable comme seuls les japonais en ont le secret.

Alors, si vous aimez les histoires sombres qui peuvent aller loin dans la créativité et la férocité, ce roman est fait pour vous. Attention, c’est aussi retors et malsain que délectable !