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Chronique : Ann Radcliffe contre les vampires

Un classique de la littérature gothique réédité !

Vous connaissez certainement l’auteur Paul Féval (1816-1887), dont l’œuvre la plus connue à ce jour est et restera certainement Le Bossu (d’ailleurs adapté plusieurs fois au cinéma). Les éditions des Moutons Electriques ont eu la bonne idée de rééditer l’un de ses textes dans leur collection originale, Les Saisons de l’ Étrange.

Avant de s’intituler Ann Radcliffe contre les vampires et de mettre en scène l’une des mères du roman gothique, l’ouvrage avait pour titre original La ville-vampire.

Une course contre la montre et un jeu de dupe

Au début du roman, nous découvrons une ancienne amie d’Ann Radcliffe. Cette dernière voudrait partager avec ses interlocuteurs l’une des histoires les plus incroyables qu’a vécu son amie à l’époque. Il y est question de mariage intriguant, de vampires et même d’une ville entièrement peuplée de ces derniers…

La jeune qu’était Ann Radcliffe n’avait pas froid aux yeux et décida de tout faire pour sauver son amie des griffes de ces monstres voulant faire main basse sur sa fortune, son statut, et sa santé mentale.

Un roman à l’ambiance inimitable, mais qui garde une petite couche de poussière…

Ce roman a beau avoir été écrit par un grand romancier, il reste assez lourd à digérer. Aucun découpage en chapitres (rendant le tout très dense), histoire remplie de rebondissements tels qu’il faut bien s’accrocher… C’est dommage, tous les ingrédients sont là, mais ça ne prend pas. Trop de longueurs, de personnages dont on ne comprend pas clairement le but ou les enjeux.

Il faut bien avouer cependant que l’écriture de Paul Féval est assez drôle, voir même grinçante par certains moments. Il se joue avec brio de la langue française et sait amuser son public, même dans le drame d’une course-poursuite mettant plusieurs vies en jeu.

Et l’idée de mettre en scène une auteure ayant réellement existé rend le tout plus prégnant, plus réel que si cela avait un personnage quelconque. Paul Féval base son intrigue sur le fait que l’imagination débordante d’Ann Radcliffe tient plus de son passif avec l’étrange que de son imagination pure, et ça c’est une idée de génie pour l’époque !

Autre chose intéressante, Paul Féval nous propose une toute autre mythologie du vampire que celle que l’on connait. Il change de forme, créé des entités jumelles, a les yeux qui brillent d’une étrange lueur, rend fou les gens dont il s’alimente pendant de très longs mois…

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Mais au final, pourquoi ça ne prend pas totalement ? Peut-être parce que le texte est trop ancien, ou tout simplement qu’il ne s’agit pas du meilleur texte de Paul Féval ? C’est dommage car la collection des Saisons de L’Étrange sait toujours donner envie, et ne pas aimer un de leur titre est déjà une déception en soi…

Chronique : Sovok

SovokUne sf inattendue en pleine Russie rétrofuturiste : bluffant

Peut-être connaissez-vous déjà le brillant auteur Cédric Ferrand qui doucement, se fait un nom dans le monde de l’imaginaire français. Sovok est son second ouvrage paru, mais il avait déjà marqué les lecteurs avec son très réussi roman de fantasy Watsburg. Dans Sovok, place à la sf rétrofuturiste, dans une Russie où la modernité se dispute au rafistolage et à la débrouillardise dans toutes les strates de la société… preuve permanente de sa lente déliquescence.

Colmater et réparer plus que soigner…

Dans l’entreprise Blijni, on a du mal à survivre. Toutes les économies sont bonnes à faire, on nettoie un outil médical à usage unique pour qu’il dure le plus longtemps possible, on prie pour que la jigouli (ambulance volante) que l’on conduit tienne encore une nuit de plus… Bref, on est constamment sur le fil, comme les patients dont on s’occupe.

Alors quand Méhoudar, le petit nouveau débarque chez Blijni, on lui promet de ne pas lui payer ses premiers jours de « stage ». Tout est bon pour faire des économies. Le petit jeune doit ainsi apprendre les ficelles du métier avec le duo que forme Manya pour les soins et Vinkenti au volant. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces quelques jours auprès d’eux vont être très instructifs…

La Russie va mal, et ça ne va pas en s’arrangeant… Magouilles et arrangements à tous les étages pour sauver son patient, tractation étranges, tout est bon pour arriver à ses fins qu’elles soient nobles (ce qui est rare) ou dans un but plus personnel.

Décadence programmée d’une Russie qui n’a pas su s’adapter

Dans la capitale Russe du futur de Cédric Ferrand, la technologie est bien présente, mais ne rivalise pas deux secondes avec celles des occidentaux. Ici, on est nostalgique d’antan, et on veut fermer les yeux le plus longtemps possible sur les avancées, qu’on se le dise, c’était bien mieux avant.

Les Russes perdent ainsi sur leur propre terrain des clients dans le domaine de la santé. En effet, peu à peu, l’entreprise occidentale Second Chance vole les clients de Blijni : jigoulis rutilantes, technologie de pointe, argent qui semble couler à flot, la concurrence déloyale faite par Second Chance tue à petit feu l’entreprise Russe. Les magouilles semblent ne plus vraiment suffire à sauver un client et à arrondir les fins de mois.

Soyons clairs, ce n’est pas le sens de la déontologie qui étouffe nos protagonistes, du moins les deux anciens de Blijni Méhoudar, lui, est encore assez innocent pour voir de l’espoir dans les choses et les êtres qu’il croise. Mais si quelques bouteilles d’alcool peuvent aider à faciliter une intervention ou éviter d’appeler la milice, on ne dit pas non.

Cette plongée dans l’univers médical de cette Russie imaginée nous rend les spectateurs privilégiés de sa lente agonie. Il n’y a pas mieux placée qu’une équipe médicale pour observer toutes les carences d’une société. Les ambulanciers côtoient quotidiennement la misère, et la saleté, et eux-mêmes ne roulent pas sur l’or et sont prêt à quelques petites entorses pour se faciliter un peu la vie. Mais jusqu’à quand un système aussi défaillant et basé sur une telle pauvreté peut-il durer ? Surtout quand on sait que les politiques sont des as de la magouille à leur propre échelle… Un début de réponse est dans la fin des pages de Sovok

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Cet ouvrage assez inattendu et inclassable fut un véritable plaisir de lecture. On aurait aimé rester beaucoup plus longtemps avec Méhoudar et ses deux acolytes bardés de défauts, mais très attachants. L’ouvrage aurait pu notamment explorer beaucoup plus la veine socioéconomique de ce pays en passe de mourir de ses vices. On aurait aimé avoir une vision plus large de cet univers si magnifiquement dépeint, avec ce qu’il revêt de noirceur et d’insalubrité. Alors, à quand une nouvelle incursion dans ce Moscou en pleine faillite ?

Cette chronique a été rédigée pour le site ActuSF.