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Chronique : Les Immortalistes

Magistral, tout simplement.

Premier roman de l’américaine Chloé Benjamin à paraître en France, Les Immortalistes inaugure également l’arrivée des éditions Stéphane Marsan. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais c’est celui de l’un des fondateurs des éditions Bragelonne. Stéphane Marsan souhaitai proposer de la littérature dite « blanche ». Les éditions Bragelonne étant bien trop marquées imaginaire, il a ainsi créé sa maison d’édition qui ne proposera que des romans d’ordre généraliste. Pour le moment, ce sont cinq ouvrages qui sont parus chez ce nouvel éditeur à la charte graphique élégante.

Et en ce qui concerne Les Immortalistes, c’est une petite pépite assez inclassable à découvrir…

L’histoire d’une fratrie juive sur plusieurs décennies…

Tout commence à New York, quand quatre frères et sœurs décident de se faire un peu peur en allant voir une voyante. La rumeur raconte qu’elle change régulièrement d’adresse, et que l’on ne peut la trouver que grâce au bouche à oreille… C’est ainsi que par une chaude journée d’été, Simon, Klara, Varya et Daniel vont chez cette diseuse de bonne aventure pas comme les autres. En effet, cette femme a une particularité, elle ne vous racontera pas votre vie, ou votre avenir mais uniquement une chose : la date de votre mort. Magie réelle ou non ?

Tout ce que l’on sait, c’est que la connaissance de cette date va profondément influencer la vie de chacun des membres de cette fratrie…

Quatre histoires belles et mémorables qui s’entremêlent

Une fois n’est pas coutume, l’ouvrage est découpé en quatre parties bien distinctes, les unes à la suite autres. Ici, pas de chapitres qui alternent les points de vue des personnages, tout est en un seul bloc. Ainsi, on va suivre chaque frère et chaque sœur jusqu’à sa mort ; de la fin des années 70 à l’an 2000. Correspondra-t-elle a ce qu’à prédit la voyante ? Ou le libre-arbitre peut-il se faire une place dans cette mécanique infernale ? C’est là toute la difficulté de la question où chacun pourra se faire sa propre idée de la réponse, s’il y en a une…

C’est ainsi que l’on va tout d’abord suivre Simon, qui part avec Klara sur un coup de tête à San Francisco. Une ville pétillante et pleine de vie où le jeune homme va se révéler à lui-même et devenir l’homme qu’il n’aurait jamais pu être à New York, entouré de sa famille. Là-bas, il va pouvoir vivre au grand jour son homosexualité et se découvrir une passion insoupçonnée pour la danse. Mais, malgré tous ces bonheurs accumulés, il va brûler la chandelle par les deux bouts et vivre une vie totalement désinhibée et folle… mourra-t-il à la date prédite par la voyante ?

Ensuite, c’est sa sœur Klara que nous suivons, la plus intéressante et étrange de la famille. Versée dans la magie et l’occultisme, elle croit du comme fer à ce que lui a dit la femme à propos de la date de sa mort. Sa vie va être extrêmement mouvementée et fascinante. Jamais au même endroit d’une semaine sur l’autre, toujours en vadrouille et en tournée pour faire des spectacles… Klara est aussi instable que fascinante, elle entend des choses que personne d’autre ne perçoit, décode des messages dans des objets frappés à un rythme qu’elle seule comprend. Sa psychologie est complexe, mais c’est justement ce qui la rend attrayante, mystérieuse… Et sa fin est l’une des plus belle et terribles de la fratrie (à en pleurer)…

Il y a ensuite Daniel, l’autre frère. Devenu médecin militaire, il semble être passé à côté de sa vie et avoir beaucoup de regrets. Sa partie à lui est assez triste, on dirait qu’il n’a jamais vraiment osé vivre…

Quant à Varya, c’est la scientifique de la famille. Elle essaye depuis des années de trouver un protocole pour allonger la vie de chimpanzés (et donc des hommes par la suite) en limitant leur apport en calories… Ses recherches sont difficiles, et même cruelles, car les singes ont toujours faim. Mais son désir d’allonger la vie est si vif qu’elle est prête à tous les sacrifices pour y parvenir. Elle n’a jamais eu d’enfant, ni eu de vie de couple, entièrement consacrée qu’elle est à sa tâche. Comme quoi, malgré son esprit factuel de scientifique, les dires de la voyante l’ont entièrement façonnée…

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Voici donc un aperçu de ce fabuleux roman qu’est Les immortalistes. Délectez-vous de cette merveille littéraire et totalement inclassable. C’est un grand et beau roman aux personnages forts qui vous feront vibrer. De plus, Chloé Benjamin a l’art et la manière de laisser planer des interrogations, des étrangetés, des indices….

Alors, est-ce que ce sont les événements qui nous forgent ? Ou nous qui forgeons les événements ? La question reste ouverte quand on referme l’ouvrage, mais on y trouvera de magnifiques pistes de réflexions. Ce livre est une pépite, rien de moins.

Chronique album jeunesse : Maman

Un magnifique album aux dessins simples, subtils et mémorables…

Maman, c’est un très joli album réalisé, pensé et créé par Mayana Itoïz. Découvrez le relationnel qui lie une mère et son enfant, qui imagine sa maman sous de multiples facettes !

Si vous ne connaissez pas encore Mayana Itoïz, vous avez toutefois déjà du admirer son travail puisqu’elle a illustré : Le loup en slip, mais également une dizaine d’autres ouvrages.

Une métamorphose douce et poétique

Une couleur. Une idée. Un enfant imagine sa maman autrement. Tantôt lion, tantôt en indien d’Amazonie, ou léopard !

Une patte graphique sublime, mais une histoire un peu légère

Les dessins de Mayana Itoïz sont comme des bonbons. On ne se lasse pas de les voir, de les regarder à nouveau, d’admirer son trait si direct et doux à la fois. Découvrir ses dessins, c’est un peu comme un coup de foudre visuel…

En ce qui concerne l’histoire en elle-même, j’avoue avoir un peu de mal à être totalement convaincue. En effet, l’histoire de cet enfant qui réinvente sa maman n’apporte en soi pas beaucoup de choses.

Et surtout, question ouverte : pourquoi ne pas avoir féminisé les adjectifs et noms utilisés ? Pourquoi « un indien d’amazonie » et pas « une indienne d’amazonie » ? De même pour le lion, ou le rockeur, ce sont des mots que l’on peut facilement mettre au féminin.

En dehors de cette remarque, Maman est un très bel album qui illustre parfaitement ce qui lie une mère et son enfant. De l’imagination, des rires… L’histoire est un peu légère, mais est très largement compensée par la beauté du trait de Mayana Itoïz !

A lire aux petits dès 3 ans environ.

AUTEUR :
TRANCHE d´ÂGE : ,

Chronique : Nos années sauvages

Nos années sauvagesUn beau roman sur l’amour filial, les sciences comportementales et… la vie qui suit son cours, tout simplement

Il vient tout juste de paraître aux éditions Presses de la Cité, voici Nos années sauvages, le second roman de l’américaine Karen Joy Fowler à paraître en France. Son premier ouvrage, Le club Jane Austen avait connu un certain succès à sa sortie, il sortira d’ailleurs en poche chez 10/18 dès septembre 2016.

Ce second roman est une ode à l’amour, au partage, à l’empathie, et à l’amour des sciences, y compris sous leur forme la plus… inattendue. Vous découvrirez ici l’histoire d’une famille blessée qui peu à peu voit ses membres s’éloigner les uns des autres…

Tout commence par le milieu

Comme le dit si bien notre narratrice Rosemary, tout commence par le milieu. En effet, tout devient plus facile pour elle à raconter en commençant par la moitié de son récit… Ainsi découvrons-nous le quotidien d’une jeune femme un peu paumée qui ne semble ni spécialement drôle ni attachante, plus suiveuse qu’initiatrice. Tout ce que l’on sait d’elle, c’est que la vie l’a déjà pas mal cabossée avec une sœur disparue et un grand frère fugueur et évanescent.

C’est ainsi, qu’au fil des pages on découvre quelque chose de plus profond et intéressant que cette ado un peu perdue ayant du mal à se faire des amis. Son passé est autrement plus intéressant et… spécial. Voici l’histoire de Rosemary et de son étrange famille, mais également celle de toute une branche de la science…

Nos années sauvages VO We-are-all-completely-beside-ourselvesUn roman touchant, drôle et inattendu

Si vous pensez avoir déjà lu ce genre de livre, ce n’est qu’une impression qui se dissipera assez vite. Nos années sauvages est un roman aussi fort que doux, aussi original qu’étrange. Certes, il ne s’y passe pas tant de choses que ça, mais certains moment de l’ouvrage sont tout simplement mémorables.

L’une des toutes premières scènes, se déroulant dans la cantine universitaire est touchante de vérité, de réalisme et de ponctualité. La suite peu parfois sembler nébuleuse, mais il n’en est rien car… la page 99 change toute notre perception du roman. Ce passage-clé du roman est un beau tour de force qui laisse coi pendant quelques bonnes secondes/minutes. Rien que pour le bel effet de surprise, ce roman vaut le coup.

Mais heureusement, Nos années sauvages, ce n’est pas juste un magnifique twist au premier tiers du roman. C’est aussi une ambiance, des réflexions et des personnages originaux et très humains. On se sent proche d’eux, ils sont aussi forts que faibles, normaux et extraordinaires… Ils aiment sans préjugé, et c’est ça l’essentiel.

On découvre par la même occasion quelques pans des sciences (dans le domaine de la psychologie et du comportemental) qui nous sont méconnus et extrêmement intéressants. Je pense notamment au phénomène de la vallée dérangeante, entre autres choses.

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Ce roman nous conte ainsi une belle histoire de famille, où quand l’amour des sciences prend peu à peu toute la place dans une fratrie jusqu’à la diviser. Parfois, le tout nous mène partout et nulle part à la fois, et pourtant… c’était un très beau moment de lecture. Je garde une sensation de plaisir diffus au souvenir de cette lecture sans pour autant pouvoir la détailler précisément. A découvrir pour faire la découverte d’une autre forme de roman.

TRANCHE d´ÂGE :

Chronique : Lettres à une disparue

Lettres à une disparueLa quête poignante d’une grand-mère pour retrouver sa petite fille…

Premier roman de Véronique Massenot, Lettres à une disparue est devenu très rapidement un classique de la littérature jeunesse. Très régulièrement prescrit dans les écoles, l’ouvrage est souvent utilisé pour faire découvrir le genre épistolaire, mais également la notion de dictature aux élèves de 4ème. L’idée de ce court roman est venue à l’auteur après avoir écouté un reportage à la radio.

Véronique Massenot a écrit quantité d’ouvrages, aussi bien des albums pour enfants que des romans pour les jeunes lecteurs : Soliman le pacifique : Journal d’un enfant dans l’Intifada, La lettre mystérieuse

Des lettres sans destinataire… et pour cause

Melina écrit régulièrement à Paloma, sa fille disparue. Cette démarche d’écriture soulage Melina, qui souffre énormément de ce vide dans sa vie. Leur pays est sous le joug de la dictature, et tous ceux qui se sont soulevés contre elle ont mystérieusement « disparu », comme Paloma, son mari et sa fille, Nina. Ainsi Melina se retrouve-t-elle seule avec son mari, tous deux esseulés, désespérés et détruit par cet Etat qui leur a tout pris.

Mais un espoir renaît le jour où Mélina découvre qu’une femme a réussi à prouver que son neveu a été adopté de force par les tortionnaires de ses parents « disparus ». Cela a-t-il pu se produire pour leur petite fille Nina ? Commence ainsi une longue enquête et une bataille juridique pour faire éclater la vérité.

Un récit qui offre matière à réflexion, sans limite d’âge

Cette nouvelle est aussi simple que bien faite. En effet, l’histoire est intéressante, réaliste et donne beaucoup de matière à réflexion. Véronique Massenot a bien pris soin de ne pas donner un quelconque nom de pays ou de région. Son intrigue peut ainsi se dérouler n’importe où et sans réelle époque définie.

Sans tomber dans le misérabilisme une seule seconde, l’histoire montre un beau récit entre souffrance et force. Cette quête d’une grand-mère pour retrouver sa petite-fille et la façon dont elle y parvient sont touchants.

On appréciera donc cette nouvelle pour sa forme épistolaire qui réussit à créer une belle émotion, jusqu’à la toute dernière lettre.

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En conclusion, Lettres à une disparue est un livre intéressant qui invite à réfléchir après lecture. Un récit sympathique à lire pour découvrir un classique de la littérature jeunesse.

Chronique Jeunesse : Victoria rêve

Victoria RêveA l’entre-deux, hésitant entre onirisme et retour à la réalité

Victoria rêve est le dernier roman en date de Timothée de Fombelle, paru chez Gallimard Jeunesse en novembre 2012.
Connu principalement pour sa série en deux tomes Tobie Lolness ou encore Vango, Timothée de Fombelle excelle à créer des univers aussi captivants qu’originaux.

Dans Victoria rêve, nous faisons la découverte d’une petite fille qui voit de l’extraordinaire ou tout autre personne aurait vu tout au plus quelque chose de curieux. Très court, on ne peut pas considérer cet ouvrage comme un roman, mais plutôt comme une longue nouvelle. L’histoire a d’ailleurs été éditée précédemment dans le magazine Je Bouquine.

Les illustrations pleines de poésie qui parsèment le texte sont signées François Place, un grand monsieur dans le monde de la littérature jeunesse. On lui doit des aquarelles absolument saisissante qui emplissent de nombreux albums. Parmi ses œuvres, nous pouvons citer Les derniers géants, Le secret d’Orbae ou encore le pays de Jade.

Mais où sont donc les trois cheyennes ?

Victoria a une vie normale, mais la moindre chose sortant du commun est pour elle un prétexte à rêver, s’évader. Alors, quand le livre qu’elle a emprunté disparaît, elle commence à se poser des questions. Mais Victoria est loin d’être bout de ses surprises… en effet, peu à peu, des livres de sa bibliothèque disparaissent, et elle croit bien avoir aperçu son père, très sérieux, habillé en cow-boy…
Hallucinations ? Rêves ? Victoria est persuadée d’avoir bien vu… mais il semble impossible que son père, qui travaille dans le pâté, puisse s’adonner à de telles futilités.
Entre désirs pris pour des réalités et faits réels, la jeune rêveuse va se confronter à la vie et ses tracas : la vraie.

Une écriture simple et extrêmement poétique

Le talent de Timothée de Fombelle réside dans son art de nous compter des histoires qui ont une véritable âme.
Sous couvert de nous raconter une histoire fantastique, Victoria Rêve nous emmène dans le quotidien d’une famille tristement banale dont l’héroïne rêve de s’échapper.
Ses inventions, son imagination sont tout ce qu’il reste à Victoria pour fuir une vie morne, sans éclat… et elle y arrive plus que bien.

De la détestable et ingrate sœur de Victoria à son meilleur ami Joe, tous vont contribuer à l’installation d’un petit univers à la fois unique et familier.

Loin d’être moralisateur, Victoria Rêve nous apprend à découvrir le fantastique qui se cache dans les choses du quotidien. De la volonté d’un père pour subvenir aux besoins de sa famille à une horloge qui disparaît comme par magie, il n’y a peut-être pas tant d’imaginaire que cela…
Un très beau roman pour s’émouvoir de la simplicité des choses, et du bonheur caché en chacune d’elle. Dès 9 ans, pour les doux rêveurs !

TRANCHE d´ÂGE :